Exposition Jacques-Emile Ruhlmann et la fraternité des arts à la Casa Serralves

Vendredi, Juillet 17, 2009 - 00:00 to Dimanche, Septembre 27, 2009 - 00:00

Casa Serralves, Rua D. Joâo de Castro, 210. 4150-417 Porto, Portugal

Exposition Ruhlmann du 17 juillet au 27 septembre 2009 sous la coordination de Mme Florence Camard, expert de l'œuvre de Jacques-Emile Ruhlmann et auteur de la monographie référence sur l'artiste.

JACQUES-EMILE RUHLMANN et la fraternité des arts

A propos de la Casa Serralves...
Exposition RuhlmannLa Casa de Serralves, joyau architectural représentatif du style Art Déco français, a le privilège d'être l'unique témoignage de ce que fut une demeure aristocratique conçue et réalisée pour un mécène    des    "goldentwenties". La demeure témoignera - le temps d'un été - des ambitions esthétiques de son propriétaire, retrouvera sa vocation initiale et un peu de son lustre d'antan. C'est après avoir visité à Paris en 1925 l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, et notamment le prestigieux "Hôtel du collectionneur" réalisé par le grand décorateur Jacques-Emile Ruhlmann, que Carlos Alberto Cabral (1895-1968), industriel textile, plus connu sous son titre de Comte de Vizela, se prit à rêver de devenir dans son pays le promoteur de la modernité. Le fait qu'il appartenait à l'élite cosmopolite et francophile pour qui le goût et l'art se formaient à Paris, ne fut sûrement pas indifférent à sa démarche.Dès 1926/1927, il envisage de reconvertir la maison traditionnelle du XlXème siècle et la chapelle mitoyenne, sises sur la propriété qu'il a acquise aux abords de Porto, en une demeure emblématique du style contemporain initié en France après la première guerre mondiale. Au cours de la décennie suivante, le Comte de Vizela s'attachera à mener à bien son ambitieux projet.A l'exception de l'architecte portugais José Marques da Silva (1869-1947), qui avait accompagné le comte de Vizela à Paris, les principaux intervenants sont français. Charles Siclis est chargé d'intégrer les constructions antérieures dans un dessein architectural dont le plan matérialise, au rez-de-chaussée la répartition des pièces dédiées à la vie mondaine et au premier étage ce que l'on pourrait appeler les petits appartements dévolus à la vie intime. Exposition Ruhlmann

Mais ses propositions sont supplantées par celles de Jacques-Emile Ruhlmann qui s'impose comme maître d'ceuvre pour concevoir, aménager et meubler la future résidence patricienne.On reconnaît son style sobre et altier soumettant l'ornement au décor et le décor à l'architecture, dans l'ordonnance du hall central à deux niveaux, les colonnes et pilastres, les murs scandés de larges cannelures en creux alternant avec de fines moulures en relief ainsi que dans la distribution rayonnante et fonctionnelle des pièces, initiée par le l'Hôtel du collectionneur. Quand on pénètre dans la Villa Serralves, la présence incontournable de la magnifique grille à double vantail en bronze doré d'Edgar Brandt, variante de celle qui ouvrait sur le grand salon de 1925, estrévélatrice du style ostentatoire auquel aspirait le Comte de Vizela. Le octobre 1930 : "Cette pièce décorateur parisien n'écrit-il pas à son client le 21 devrait être la réplique du Pavillon du collectionneur."?
Et pourtant, quand Jacques-Emile Ruhlmann prend en charge l'ameublement proprement dit, il a personnellement répudié ce goût de l'apparat hérité de l'Ancien Régime. La preuve en est que l'immense studio destiné au fastueux Maharadjah d'Indore, exposé au Salon des Artistes décorateurs de 1929 est aux antipodes de l'Hôtel du collectionneur. La modernité du mobilier en laque industrielle noire va de pair avec le confort des amples fauteuils et canapés en cuir, posés sur de sobres tapis point noué (que l'on retrouve à Serralves). Exposition Ruhlmann

Et ce sont justement des sièges similaires que Ruhlmann propose au Comte pour son cabinet de travail et que celui-ci commande. Dans la salle à manger où dominent la pierre et le marbre, la tablereprend certes le modèle de 1925, mais les chaises font l'objet d'une création exclusive tandis que la monumentale console de Raymond Subes, appuyée à un mur de glace concourt à la modernité de l'ambiance architecturale.La réalisation de l'ambitieux programme mobilier commencé à la fin des années vingt s'échelonnera jusqu'à la seconde guerre mondiale, donc bien après la mort de Ruhlmann, et l'on ne saura jamais ce qu'aurait été la Casa Serralves sans la disparition prématurée, en novembre 1933, du grand décorateur. Certes, son neveu l'architecte Alfred Porteneuve prit le relais et les livraisons de meubles destinés notamment au cabinet de travail du rez-de-chaussée et à la spacieuse chambre à coucher du premier étage, tels que les documents d'époque les font revivre, se poursuivirent jusqu'en 1935 dans le droit fil de ce qu'avait prévu Jacques-Emile Ruhlmann. Mais le mobilier du grand salon sera finalement confié à Jules Leleu, fournisseur de la bourgeoisie cossue et le moins que l'on puisse dire c'est que le résultat, comme en témoignent les photographies, n'avait rien de commun avec le style magistral du premier maître d'oeuvre.Des revers de fortune puis la mort du Comte de Vizela conduiront ses héritiers à se défaire des meubles, tapis, luminaires et objets d'art qui donnaient vie au décor fastueux devenu progressivement un écrin vidé de sa substance. Heureusement, le démantèlement de la propriété de 18 hectares sera évité grâce à son acquisition par le gouvernement portugais et à l'institution d'une fondation dont le mécénat a permis la création du seul musée d'art contemporain portugais.En 2009 la Fondation de Serralves fêtera son vingtième anniversaire et le Musée, ses dix ans. 2009 correspond aussi au 130è anniversaire de la naissance de Ruhlman et il faut saluer l'initiative de la Fondation de Exposition RuhlmannSerralves d'organiser une exposition destinée à associer dans un même hommage le grand décorateur et les artistes français qui étaient ses amis et partageaient son idéal esthétique.En effet, non seulement, Ruhlmann réalisa pendant les deux décennies de sa courte carrière les plus beaux meubles de son temps, dans la haute tradition ébéniste héritée du XVlllème siècle - ne le considérait-on pas comme le "Riesener du XXème siècle -, mais il avait au plus haut point le sens de l'amitié et pratiquait volontiers ce que Frantz Jourdain, fondateur du Salon d'Automne en 1903, appelait "la fraternité des arts". Au nom de cette communauté d'esprit qui l'unissait à ses camarades peintres, sculpteurs, céramistes, laqueurs, ferronniers etc, "Milo" comme l'appelait ses proches, prit le parti dès sa première participation au Salon d'Automne en 1913, de mettre en scène un décor simulant un intérieur moderne ordonné autour de ses ensembles mobiliers. Chaque exposition personnelle ou collective était pour Ruhlmann l'occasion de montrer des oeuvres récentes de "l'école de sculpture française contemporaine", notamment Joseph Bernard, Antoine Bourdelle, Charles Despiau, Georges Guyot, Alfred Janniot, Aristide Maillol et d'autres moins connus du grand public. Parmi les peintres auxquels le généreux décorateur ne ménageait son appui et ses relations, citons Jean Dupas, Paul Jouve, Louis Rigal ou son camarades de jeunesse Louis Degallaix, ainsi que les céramistes Emile Decceur et Séraphin Soubdinine ou le relieur Pierre Legrain et le laqueur Jean Dunand.Nul doute que si Ruhlmann avait pu accompagner le Comte de Vizela jusqu'au stade de la décoration intérieure de sa villa, il lui eût conseillé de s'entourer d'oeuvres d'art françaises choisies parmi les artistes représentatifs du neo¬classicisme français exposant notamment entre les deux expositions internationales de 1925 et de 1937.Espérons que grâce aux musées et aux collectionneurs qui accepteront de participer à cette manifestation temporaire originale, nous pourrons à la fois faire découvrir aux amateurs portugais l'art décoratif français dont Ruhlmann fut le chef de file incontesté, contribuer à faire revivre la Villa Serralves et promouvoir son rayonnement international.

Florence Camard

 

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