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L'oeil de Willy Huybrechts

S'il était un meuble, Willy Huybrechts serait sans doute une console en bois de palmier d'Eugène Printz. Ce jeune marchand accueille dans sa galerie de la rue Bonaparte les grands maîtres de l'Art déco. Exigeant, il recherche le rare et l'unique.

Pourquoi l'Art déco ? "Parce que ses lignes épurées, l'élégance de ses formes, sa liberté d'expression me fascinent ; sa modernité également. L'Art déco dialogue avec l'art contemporain ; un meuble de Printz se marie avec une toile de Soulages." Plus qu'antiquaire, il se dit galeriste. "Un antiquaire s'intéresse à une diversité d'objets d'art ; un galeriste, en revanche, se spécialise dans un domaine et défend les artistes dont il acquiert les oeuvres, en organisant des expositions, en publiant des catalogues". Et en effet, Willy Huybrechts est un chasseur, un chineur, qui tente de réunir un ensemble cohérent et important d'ceuvres d'un même artiste, avant de le dévoiler au public. La première exposition de la galerie, en 2000, fut consacrée à Jean-Michel Frank, les suivantes firent redécouvrir Marc du Plantier en 2005, ou Maurice Daurat en 2009. À la Biennale 2008, c'est la maison Dominique qui était à l'honneur. Il préfère acheter "à la main", plutôt que dans une vente publique, "parce qu'il est grisant de découvrir un objet encore vierge des regards. Mon métier n'est pas de lever la main dans une salle des ventes pour acquérir des oeuvres que tout le monde a vues." Comment se porte l'Art déco ? "Avant la crise, la moitié de ma clientèle était américaine, l'autre, européenne. Aujourd'hui, les Américains sont moins présents, mais les collectionneurs européens sont toujours là." Et lorsqu'on lui demande si les maisons de ventes représentent une menace, Willy Huybrechts ne s'inquiète guère plus. "Nous n'exerçons pas le même métier. Lors d'une vente aux enchères, tout doit être vendu. Un galeriste est moins pressé ! Son rôle est de conseiller son client. Aucune grande collection ne s'est d'ailleurs constituée sans marchand. Certaines maisons de ventes comme Sotheby's sont cotées en Bourse. La seule cote d'un galeriste est le contentement de ses clients. On m'a proposé d'être expert pour des ventes ; j'ai refusé car mon métier consiste à dénicher des objets, non à évaluer ceux que d'autres ont trouvés."

Eugène Printz, enfilade à caisson quadrangulaire de forme violonée ouvrant par trois doubles portes. Placage de bois de palmier, intérieur en sycomore aménagé d'étagères amovibles, piétement en façade à découpes stylisées en fer laitonné à patine nuageuse en oxydation brune, 110 x 243 x 42 cm.

Eugène Printz, enfilade à caisson quadrangulaire ouvrant par deux doubles portes accordéon constituées de plaques en dinanderie de cuivre à motifs cubistes par Jean Dunand. Placage de bois de palmier, piétement en façade de deux arceaux et lame de fer laitonné, 89 x 200 x 41,5 cm.

Est-il encore possible pour un jeune ambitieux de se lancer dans l'aventure de l'Art déco, comme l'a fait Willy Huybrechts, à 16 ans, aux Puces de Saint-Ouen ? "Les Puces ont perdu les meilleurs marchands et leurs clientèles. Il est rare d'y faire de vraies trouvailles. Mais le métier n'est pas mort. Pour se lancer, il faut un peu d'argent, beaucoup de courage, de la patience et du tempérament. Il est indispensable d'arpenter Drouot, Vanves, Montreuil, et de se former sur place. Il y a quelques années encore, l'Art déco était mal connu ; j'ai par exemple vu passer un meuble d'Armand-Albert Rateau dans une vente courante. Même si de nombreux livres ont été publiés depuis, il reste beaucoup à découvrir. Il faut avoir de l'oeil, savoir reconnaître en un regard ce que vaut un meuble et qui l'a fait." B. B. S. G.

• Galerie Willy Huybrechts, 11 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 43 54 29 29. Ouvert du mardi au samedi de 11 h à 19 h. www.willy-huybrechts.com