L'objet d'Art mai 2009
Maurice Daurat, l'éclat de l'étain
Orfèvre et sculpteur Art déco, Maurice Daurat choisit l'étain pour réaliser des plats et des vases. La galerie Willy Huybrechts lui consacre une exposition.
"Le ciel d'étain au ciel de cuivre. Succède. La nuit fait un pas. Les choses de l'ombre vont vivre. Les arbres se parlent tout bas."
Victor Hugo, La Nuit.
Orfèvre et sculpteur de la nuit, Maurice Daurat (1880-1969) martèle le cuivre et l'étain, métaux longtemps méprisés, pour créer des vases, des coupes ou des plats aux formes épurées, à l'éclat crépusculaire. Né à Bordeaux en 1880, il s'intéresse très tôt à la peinture, à la sculpture et au dessin, et suit une formation à l'école d'art appliqué Germain Pilon entre 1895 et 1898. C'est après la Grande Guerre qu'il commence à exposer des coupes et des boîtes en or, en argent et en étain, au Salon d'Automne et au Salon des artistes décorateurs. Dans les années 1920, il abandonne la fonte et la ciselure pour le montage au marteau, privilégiant l'étain pour créer des pièces uniques ou en petite série. Il se fait remarquer à l'Exposition des arts décoratifs de 1925, où il obtient un prix. L'artiste réalise aussi des oeuvres monumentales, comme le vase du paquebot Normandie en 1935, ou le vase luminaire, de plus de 3 m de haut, destiné à la rotonde du palais de Tokyo en 1937. La même année, il est membre du jury international à l'Exposition des arts et techniques. La renommée de Daurat dépasse les frontières françaises, et il reçoit des commandes pour les légations du Canada, à La Haye et à Bruxelles. Représentatives de l'Art nouveau, ses créations s'inspirent de la nature et du japonisme avant d'évoluer vers une stylisation géométrique. Si l'humilité de l'étain a sa préférence, il travaille aussi l'or, l'argent et le duralumin pour des décorations intérieures ; il réalise ainsi les luminaires et objets de cultes de la chapelle d'un pensionnat à Thionville. On lui doit égale¬ment des bijoux — colliers, bagues, ceintures, bracelets, qui n'ont pour scintillement que celui du métal. À la fin de sa vie, Daurat revient à la sculpture avec une série de masques, en cuivre repoussé et patiné, d'inspirations romane, africaine et asiatique. Resté dans l'ombre, Daurat est aujourd'hui méconnu ; pourtant, certaines de ses pièces en étain et en argent sont exposées au musée des Arts décoratifs de Paris et au Metropolitan Museum de New York. Chantre du métal, il sut allier l'inspiration de l'artiste à l'exigence de l'artisan, insufflant à la matière les formes qu'il imaginait.
La galerie Huybrechts, installée à Saint-Germain-des-Prés, consacre une exposition à ce maître, dont Willy Huybrechts collectionne les oeuvres depuis de nombreuses années. Cette exposition s'inscrit avec cohérence dans la programmation de la galerie qui présente régulièrement les oeuvres des artistes de l'Art déco, de Jean-Michel Franck à Eugène Printz, de Ruhlmann à Paul Dupré-Lafon.
Maurice Daurat au travail dans son atelier de l'avenue de Friedland, vers 1929